30/10/2009

Montana, 18 septembre

Du velours. Je crois que c'est la meilleure description. Un velours gris aux reflets mauves.
Ce sont ces reflets qui luisaient sur les courbes des collines nous faisant face qui m'y ont fait penser. Je voyais d'abord une brume, accrochée aux flancs des vallées, ou un duvet recouvrant la forêt des troncs calcinés, mais aucun d'eux ne décrivaient l'éphémère beauté de ces reflets. De ce velours mauve aux reflets gris.
Le mètre-ruban glissait entre mes doigts et l'accroche en métal qui vint se planter dans le creux de ma main me réveilla. Cinquante mètres. Nous tirons un transect d'un kilomètres à travers la clairière et la forêt qui l'embrasse ; quatre centimètres filant droit sur la carte qui nous permettrons d'estimer l'usage de la prairie par les ongulés et leur prédateurs : les loups qui y ont leur territoire, et grizzlis et lions de montagne de passage.
Cent mètres ; la brume qui nous enveloppait devint grésil frappant les feuilles dorées des trembles avant de recouvrir les herbes grises.
Deux cent cinquante mètres ; les nuages s'ouvraient et se refermaient en un souffle, s'entrechoquant dans le silence étouffé par le vent. Leurs ombres glissaient sur la prairie, grimpaient le long des troncs, se faufilaient entre les branches puis sautaient de cime en cime avant de tomber au sol et de nous rejoindre.
Cinq cent mètres. Je m'arrêtai à mi-chemin pour regarder. C'était notre dernière semaine et il semblait que c'était là le plus beau jour. Le premier jour d'automne, celui que l'on finit au coin du feu dans l'odeur des châtaignes qui grillent en roulant. Annie, la poète qui nous a rejoints pour écrire sur les loups et ceux qui les étudient, me faisait remarquer que nos descriptions sont trop souvent visuelles et qu'il est difficile de décrire pleinement les sons, les textures, les formes des mousses, le froid du vent sur les habits mouillés, le craquement des myrtilliers et le parfum qui s'en échappe lorsqu'on pose le pied dessus, l'odeur musquée des loups qui, reconnaissable entre mille, imprègne leur territoire.
Sept-cent cinquante mètres. Le cri du wapiti résonna derrière nous dans la forêt de pins ponderosa qui s'étend au-delà de la colline. Avec les premières neiges, les hardes commençaient à quitter les montagnes pour rejoindre les vallées, encore vertes. Nous les verrions bientôt disparaître dans la brume matinale qui recouvre la rivière. Au-dessus d'elle, un groupe de femelles et de jeunes canards Arlequin voleraient en formation, suivant le cours d'eau qui, au détour d'une montagne, les conduira à l'océan Pacifique.
Un kilomètre. La brume s'était dissipée et le soleil, maintenant haut, séchait la terre et les herbes. Les collines retrouvaient leur couleur quotidienne, un camaïeu de verts aux reflets gris.