01/09/2009

Du Maine au Montana, 17-20 août

Nous avons quitté Bremen le lundi, après avoir enregistré la voiture, vissé les nouvelles plaques d’immatriculation et dit au revoir à ceux qui n’étaient pas partis. Nous laissions les côtes boisées du Maine pour, j’espérais, les montagnes escarpées du Montana. Mon plan était de traverser tout le Nord-Est jusqu’au Canada, repasser la frontière US avec un permis de tourisme de trois mois, longer les grands lacs au plus près et filer à travers les Grandes Plaines du Nord jusqu’aux Rocheuses. Là, je devais retrouver ma superviseur le mercredi, devant l’épicerie du village, une clairière au bout d’une piste en graviers, dans l’immensité de la forêt nord-américaine. De notre côté, une Subaru Legacy break et verte achetée trois jours plus tôt à Belfast. Contre nous 2600 miles à faire en trois jours. Plutôt impossible.
Alors nous avons roulé. Descendus de Portland à Boston, remontés sur Albany puis visé plein Ouest vers Buffalo et Niagara Falls. L’Interstate 90 ouvrait une brèche béante que nous suivions à travers les forêts des Etats du Nord-Est. Ces terres autrefois déboisées s’étaient peu à peu recouvertes, au fur et à mesure que les villes attiraient dans leurs faubourgs les générations successives de fermiers.
Même forêts, même routes à quatre voies et leurs flots de 4x4 rutilants, même villes-araignées qui étendent leur toile de zones commerciales en quartiers résidentiels, le passage au Canada ne présenta rien d’exceptionnel, à part le retour au système métrique. Après trois heures de route entre le lac Erie et le Lac Huron, une heure de débats avec un douanier zélé qui faillit refuser l’entrée à Juliet dans son propre pays parce que son passeport avait moisi lors d’un précédent voyage au Mozambique, nous rejoignions le Michigan et les Etats-Unis.
Nous passâmes Chicago de nuit et Minneapolis sous la pluie. La radio annonçait des tornades dans le Sud de l’Etat. Entre les deux villes, nous traversâmes les forêts du Wisconsin où jusqu’en 1914 plus de cent trente millions de pigeons migrateurs venaient nicher chaque été. Victime de la chasse et de la modification de son environnement, l’espèce est aujourd’hui éteinte. Seuls une statue et le panneau explicatif d’une aire d’autoroute rendent compte de l’extinction. Un peu plus loin, au dessus des premières plaines du Dakota du Nord, planait un autre spectre : celui des milliers de bisons qui effectuaient leur migration estivale vers les grands steppes du Nord. Ils avançaient progressivement, suivant la fonte des neiges et la poussée de l’herbe. Plus que la chasse, (et aussi surprenant que cela puisse paraitre à première vue) c’est l’élevage qui faillit causer leur perte. En enfermant leurs troupeaux dans des ranchs démesurés, les propriétaires (souvent plus banquiers que fermiers) tirèrent un trait hérissé de barbelés sur leurs routes de migration. De nos jours, ce sont les autoroutes qui ajoutent de nouvelles barrières à la prairie en y déroulant leurs rubans noirs.
Au loin, les premiers contreforts des rocheuses brillaient sous le soleil. Nous suivions la vallée de la rivière Yellowstone, la laissâmes bifurquer vers le Sud et continuâmes vers l’Ouest. Apres une longue descente, Missoula apparut dans une plaine entourée de montagnes pelées.
Le lendemain, je déposai Juliet et continuai ma route vers ma destination finale, plus au Nord. J’arrivai le vendredi soir. Je tournai la clef, la voiture toussa un peu dans le nuage de poussière qu’elle venait de soulever et s’arrêta. Elle au violon, lui à l’accordéon, un couple jouait sous l’ombre d’un arbre. 3200 miles. Un jour de retard. Pas si mal.

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